dimanche, août 20, 2006

Pas de remords.

C'était au début des années soixante-dix, je faisais un ixième séjour à Berlin-ouest avec mon amie Heike, une grande blonde magnifique qui bossait chez Pierre Balmain après avoir échappé de justesse aux vengeurs moudjiks et violeurs de l'armée rouge qui fondait sur Berlin. De Koenigsberg dans les bras des GI's elle avait suivit sa mère dans l'enfer. Pour ça qu'elle aimait tellement la vie et l'amour. Pompes divines!!! Nous, de Paris à Mandelieux puis Torremolinos et Berlin. Donc on était là, du bon côté du mur, mais moi je militait pour l'autre, le communisme et la stasi - un peu comme Céline qui avait embrassé le nazisme par haine des hommes, de la guerre et malheureusement des juifs. Bref, un après-midi d'automne, venteux et frisquet je me suis risqué de l'autre côté. A check-point Charlie j'ai changé le max de fric, 5 deutch-marks contre 5 marks DDR. Juste de quoi me payer un thé et une patisserie dans un the-room sinistre. J'allais tout géné dans mes atours de petit bourge parmi les travailleurs et la grisaille, dans mon futale bleu pattes def, mon par-dessus étroit et très minet... J'en menais pas large; et cela s'est encore agravé quand je me suis aperçu que j'étais suivi par un trio, deux mecs et et une nana. J'étais bien seul au mitan d'une place énorme et vide - peut-être Alexander-Platz - mai bordée par là d'un gros bâtiment style classique avec un escalier monumental et des colonnes doriques. J'ai grimpé, me suis planqué derrière l'une d'elles et allez savoir pourquoi, tandis qu'ils étaient à plus de cinquante mètres je les ai photographié en douce. J'étais parano, j'étais sûr qu'ils allaient me faire la peau.

Ils m'attendaient en bas du grand escalier, tout sourir, l'air vraiment sympa. Je me suis approché et j'ai dit bonjour, en allemand. Tout de suite ils sont entrés dans le vif du sujet. Ils voul
aient des deutch-marks, évidemment. Me les échanger contre les leurs. J'avais beau leur dire que j'avais en poche un papier qui stipulait que j'avais échangé seulement 5 marks ils ont balayé cet argument en me disant que ça posait pas de problèmes. Des camarades de l'Est je pouvais pas mettre leurs paroles en doute. J'ai dû changer une centaine de marks. On s'est quitté presque comme de vieux amis. En ville, quelques instants plus tard c'était un mec en bleu de travail qui m'avait pris en chasse. Il voulait la même chose. J'ai pas discuté, je lui ai refilé tout ce qui me restait.
Les vopos m'ont cuisiné plus de quatre heures pour savoir à qui j'ai changé mon blé. Les salauds devaient savoir - les quatres - que j'allais avoir des ennuis - bien que ce fut de bonne guerre - je m'en suis sorti en disant aux flics que j'avais photographié par hasard ceux qui m'avaient roulé. Ca a pas duré. Les vopos ont gardé mon blé, mon appareil photo... J'avais rien pigé jusqu'à ce qu'on m'explique que les gens qui cherchaient les bons marks c'était pas pour se payer des chaînes capitalistes, c'était juste en prévision d'un passage à l'Ouest. Aujourd'hui les experts se disputent sur le nombre de victimes tombées devant le mur. Finalement en trent ans il en est tombé dix fois moins que des mexicains à la frontière avec le paradis yankee.

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