lundi, septembre 11, 2006

En 1999 je suis allé chez un pote à Frisco. Comme j'en avais ras l'bol de la Suisse je pensais aller rendre visite à une amie habitant Belem, aux portes de l'Amazonie -, je carressais même l'idée de m'installer par là-bas. Bon, je débarque à Frisco, il est là, avec sa Volvo et son horrible parlé yankee avec cette pointe sèche de zurichois. 17 ans qu'il est là et forcément désormais Américain et borné au point de refuser d'articuler le moindre mot en français qu'il cause tip-top. Mais bon. C'est un scientifique de haute voltige qui a fait l'EPFZ physique biologie. Sa bicoque style Tudor à New Valley avec son garage en terre battue trop haut pour y caser sa chiotte et sur le trottoir en face de ça deux traits rouges limitant l'espace où il a le droit de stationner sa tire. Bel intérieur typiquement statunisien, sobre, et derrière un jardin avec un bassin et des poissons, des palmiers et of cours un barbecue.

Mon pote est triste et silencieux. Ca fait presque deux ans qu'il est au chômage. Enfin, pas tout à fait, il est consultant dans la boîte qu'il quittée.

Parce que le jour où avec une équipe de 8 personne soous ses ordres il a réalisé LE SCANNER, le seul et unique machin capable de détecter les explosifs dans les bagages pour la compagnie Invision, comme remerciement il s'est fait bombarder vis-président de la dite compagnie. Du nanan pour tout individu normal.
Adonque mon pote n'avait plus grand chose à branler que de recevoir les quandidats à un emploi hystoire de tester leurs compétences, motivations etc.
Naturellement au bout d'un certain temps tout ça là hautement lassé. Il dépérissait et rêvait de retourner dans son cher labo pour y mettre au point et inventer de nous gadjets. Il en a fait le demande et n'a essuyé qu'un niet catégorique. Le labo c'est pas la place d'un vice-président d'une Compagnie en train de faire des millions.
Du coup, il a donné sa démission - sans doute avec l'idée d'aller faire des offres ailleurs là où il pourrait mettre tout son savoir en branle.

Mais aux states ça ne se fait pas, c'est pas normal qu'on veuille redescendre parmi les travailleurs quand on s'est arraché à ce statut minable. C'est forcément qu'il y a un truc qui cloche, un problème psychologique. Aussi l'ont-ils attaché à la boîte en le nommant pour deux ans, consultant. Mais en presque deux ans ils ne l'ont pas consulté une seule fois. Même les gars de son équipe qui lui avaient offert un beau journal souvenir avec photos, commentaires, remerciements et éloges pas possibles, good luck your fiend Johnny, Sonny et tout, pas un seul ne lui a jamais téléphoné pour un pot quoi que ce soit. Il était mort pour eux.
Mais il était et mort et fou aussi pour sa femme, laquelle, dès qu'il lui a appris qu'il avait démissioné, c'est empressée de demander le divorce. Et vlan dans la gueule! Avec sa fille, pas de lui mais seulement d'elle, elle s'est taillée en empochant la moitié des stocks options qui était une partie de son salaire tandis que le fisc lui piquait la moitié de ce qui lui restait. Bon, il avait toujours cette bicoque de quatre cents milles dollars, mais quoi, tout seul là-dedans alors que c'était surtout pour la famille ça lui foutait un cafard terrible et les poissons ça suffisait pas à son moral. C'est dire combien ma venue lui faisait du bien. Parce que, tous les postes qu'il avait postulés, que dalle! Là-bas, un gonze qui lâche un poste de vice-président ça fait pas sérieux, c'est aussi louche qu'une barbe de barbu.
Alors il passait le temps en jouant sur son ordi, essentiellement des simulateurs de vols, des jets qu'il déplacais comme un pro d'ici à là en temps réel avec plan de vol et tout le saint frusquin. Du Falcon au Boeing.

Le soir on allait dans un rade pour jouer au billiard, toujours le même, d'où l'on voyait les lumières de la rade et entendait le grondement incessant des autoroutes. Pour fumer il fallait sortir sur le trottoir mais sans sa binine, c'est interdit aussi, alors on avait la clope dehors au bout du bras et le verre dans l'autre à l'intérieur. Un jour à San José juste avant de faire un tour en Cesna au-dessus de Frisco - il adorait piloter - on est allé prendre un bière dans un rade à la con comme je les déteste - tout formica, plastoche et faux bois quoi - qu'on a voulu allé boire sur la terrasse. Mais ça aussi c'était défendu mais pas de problème la nana a versé nos bières dans des gobeltes coca et tour était joué. L'Amérique pays de la liberté mon cul!
Et je ne dis rien des moults regards assassins, même dans la rue, lorsqu'on avait l'audace de fumer une clope à 6 box le paquet!

Mon pote est de retour en Suisse - tout comme moi du reste. Parce que je ne suis pas allé plus loin que Ensenada.

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