lundi, septembre 24, 2007

L'ours et moi.

Bon, je continue… enfin, disons plutôt que je recommence. Commencer quelque chose, ça ne s’arrête pas, jamais, même si c’est pour continuer et continuer quoi ? Quant il n’y a rien de continu ? Et je dois avouer que ça devient de plus en compliqué, dés lors qu’à chaque mot une petite voix te demande – mais qu’est-ce que tu veux dire en parlant de « savoir », de « sujet », d’ « individu », de « tout » et de « rien ». Franchement, ça vous coupe les ailes, même quand vous n’êtes pas un oiseau et du coup alors c’est la déprime. Pourtant, comme tous les lundis matin je devrais être « heureux ». J’entends les rumeurs de la rue, les bagnoles surtout, et je vois tous ces pauvres gens la gueule pâteuse et les paupières lourdes foncer à leur travail, avec dans la tête les souvenirs bons ou mauvais du dimanche qui se mélange à des images du bureau, de l’atelier, du chantier, du vestiaire, de la salle de classe… des images de la femme ou du mari, des enfants et des collègues, un si foutu capharnaüm qui exige un minimum d’ordre pour fonctionner correctement… Ouais, de n’être plus soumis à pareille exigence ça devrait me réjouir. Parce que c’est quoi à côté se coltiner les mots ? Un amusement, une jouissance ? Bon d’accord, les gens et les mots on peut agir avec eux de la même manière, un qui ne vous plait pas, ne convient pas, on en choisi un autre… certes, mais on introduit là alors une différance, le mot signifie a peut près la même « chose » il est un synonyme et dans un certain sens – jamais certain pourtant – et un individu du genre humain est synonyme d’un individu du genre humain. Toutes ces nuances, bordel de merde ! C’est bien ça qui fait la différence ! Toute la différance. Pourtant je ne suis pas du genre à chercher l’harmonie, l’homogénéité, loin de moi ces vanités. La plus belle des symphonies n’est jamais qu’un bruit parmi d’autres qui le dispute aux marteaux piqueurs, à la quinte de toux. Le bruit c’est la vie. Moi, c’est souvent les cloches de l’Hôtel de ville qui me ramènent à la vie le matin, ou bien la sonnerie de mon téléphone, jamais les bruits de mon organisme. C’est bizarre, non ?! Mais non, rien de bizarre là-dedans. Enfin si, tout de même. Imaginez-vous dans un scanner tout entier immergé en train de contempler et d’écouter des heures durant les multiples mouvements, ruissellements, battements, grincements, les fluides et les bouchons, le grouillement monstrueux des bactéries, des globules, les sucs et les acides à l’assaut des morceaux de tartare, de la salade, cette descente vertigineuse dans l’égout du corps intérieur qui se précipite vers la porte de sortie fermée et qui s’entasse dans le bol… Ah le bordel ! Le malaise ! C’est rien la ville à côté ! Mozart et Beethoven. La philosophie continentale et l’analytique. Rien que des rapports de force comme disent les nihilistes, et y a pas loin que j’en devienne. Parce que même à l’intérieur on n’est pas à l’abri de ce principe.

D’accord, j’avoue – mot que je déteste – cette espèce d’extase je la dois à la lecture du « Monde des Livres » et en particulier à l’article consacré au philosophe Vincent Descombes que je n’ai jamais lu et que même je ne connaissais pas, c’est dire mes lacunes. Mais, au fond ce Descombes n’est rien d’autre qu’un pragmatiste comme Rorty, Dewey et d’autres – avec des nuances. Et moi aussi, grosse modo, et depuis assez longtemps j’en ai un peu marre de la phénoménologie et de son jargon élevé au plus haut niveau par le nazi Heidegger. Marre de l’ « Etre », de l’ « essence » et de la métaphysique en générale. Mais bon passons. Je lis donc le petit article en bas à gauche « Le Raisonnement de l’ours ». C’est l’histoire d’un ours qui veille sur le sommeil d’un vieillard menacé d’être interrompu par une mouche posé sur son crâne. Malin, l’ours prend un pavé et écrase la mouche et le crâne du vieux par la même occase. Ca, c’est naturellement pas de la « rationalité pratique ». L’ours devrait savoir qu’il a avait une autre solution. Qu’on peut faire des omelettes dans casser des œufs, en évitant les dommages collatéraux. Mais nous savons depuis quelques temps que les ours ne pigent rien à la philosophie. Les ours sont nuls, monomaniaques. Ils n’ont pas du tout de sens moral, que ce sens relève de la Révélation ou de la philosophie. Tandis que les hommes… Alors là, ils disposent de toutes une panoplie de dispositions, de facultés. Il n’est qu’à voir un peu l’histoire, leur histoire pour s’en convaincre. L’homme est beaucoup plus intelligent que l’ours ! La preuve est que les ours ont sans doute tué bien plus d’hommes que les hommes n’ont tué d’ours. L’ours est dans un conflit entre la faim et les moyens et l’homme dans cette problématique de la fin et des moyens. Mais bon, désormais l’homme est un ours pour l’homme et donc l’homme est un ours comme les autres. Ours, loup quelle importance, l’homme reste un animal. La preuve, les Américains et leurs suppôts en Irak et ailleurs. Les hommes partout. La loi du plus fort et c’est lui qui fait la loi et la loi c’est moral, la loi et la force. Pour que la philosophie puis fournir une morale il lui faudrait autre chose que la force du raisonnement parce que même la pertinence d’un paradigme fondé sur le respect de la vie – disons comme le sommet de la hiérarchie des valeurs qui fondent les solutions de toutes actions, on a vu, donné. On a tout essayé. Tout accepté. Tout confronté et tout recommencé. Et ça continue. D’un « état mental l’autre ». Le goût de la littérature. Vivement que les ours s’y mettent !

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