dimanche, juin 10, 2007

Ecrire.

Pourquoi j’écris ? Je vous le demande un peu. Vous c’est aussi moi-même que n’importe qui d’autre qui ne vient jamais sur ce blog. Et est-ce que ça me fait quelque chose que personne ne vienne jamais sur ce blog ? Je m’interroge comme on dit et finalement je suis bien obligé de me répondre que je m’en fous. Ca fait plus de quarante ans que j’écris et à part quelques amis d’il y belle lurette je n’ai jamais donné à lire mes écritures – à quelques éditeur aussi mais pas pour très longtemps. En fait que crois que j’écris sous le même registre que lorsque je lis. Pour le plaisir, et ça, avant que Barthes nous l’ait suggéré comme étant l’instance la plus pertinente. Le plaisir de la lecture est un tremplin qui porte loin et comme pour tous les plaisirs dont nous recherchons l’intensité maximum l’écriture est comme un point d’orgue. Amiel en a fait toute sa vie une forme d’onanisme maniaque dont je me suis gardé parce que la prostate ne saurait s’en accommoder. Si la lecture nous donne parfois l’illusion que nous sommes plus intelligents que nous le croyions dés lors que nous pensons avoir compris les plus subtiles des apories, l’écriture peut être une forme d’orgasme pour autant qu’en nous relisant on puisse parfois s’écrier : c’est moi qui ai écrit CA ! Et j’avoue que CA m’est arrivé bien souvent. Mais allez savoir si là précisément il s’agit de quelque chose que nous avons pensé et écrit ou s’il s’agit de quelqu’un d’autre… Vu que l’écriture est toujours d’emblée une sorte de plagiat conscient et inconscient. Je n’est pas seulement un autre, je c’est bien plus que CA c’est beaucoup d’autres. L’écriture pour un lecteur est toujours contextuelle elle emprunte sans scrupule et les milliers de petites fiches – que je ne relisais jamais, soit – sont là pour en témoigner. Evidemment il y aurait plus à dire ce sur le sujet mais pour l’instant je m’en tiendrai là vu que nous sommes sous le règne de l’opinion – et si j’ai toujours eu assez d’imagination pour avoir peur je n’en ai jamais assez pour avoir des idées. Si Einstein nous dit qu’il n’a eu dans sa vie qu’une seule idée je ne vois pas comment j’oserais dire que moi j’en ai plusieurs.

Bon, ça suffit pour un dimanche matin plein de soleil.

Histoire de m’en souvenir sans cesse j’écris ici un passage d’un article de Hannah Arendt sur l’Amérique du Maccarthysme.

« C’est contre ce type d’individu (elle parle de Chambers, un anticommuniste) qui font l’histoire, quelle que soit par ailleurs la vision des choses qui dicte leurs agissements, qu’une société libre doit se défendre. Et cette défense mobilise quelque chose de plus que la réaction naturelle que nous éprouvons d’instinct face au sentiment de supériorité qui anime des individus voués à une si « si noble » tâche. L’idée que je puis faire davantage qu’agir dans un pour le présent, qu’il est en mon pouvoir de façonner l’avenir, implique deux erreurs fondamentales. Elle présuppose en effet, que je connais la fin et que je peux donc décider librement des moyens, et aussi que lorsque j’agis, je sais ce que je fait, tout comme je fabrique des objets.

Le premier élément représente une impossibilité puisque nous sommes mortels : jamais nous ne connaîtrons la fin de l’histoire, puisque nous n’en verrons jamais le bout. La seconde idée est aussi erronée puisque l’action humaine, dans ses conséquences ultimes, est imprévisible par définition. »

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